Dotan x Montreux Jazz 2021
Sophia Bischoff - Cet été, le Montreux Jazz Festival fait partie des événements qui ont réussi à battre la négation pour présenter une édition dans l’air du temps et à la musicalité fidèle à son aura. Retour sur une soirée où les émotions ont traversé les plus excentriques montagnes russes imaginables.
En entamant le chemin habituel qui me mène au Montreux Jazz Festival, les souvenirs des derniers étés de la vie d’avant réapparaissent au fil des pas. Ici, j’avais vu la jeunesse s’exalter de joie, nuit après nuit. Là, Charlie Musselwhite m’avait souri alors qu’il se dirigeait vers son soundcheck, sa valise pleine d’harmonicas à la main. À quelques pas, c’est Lana Del Rey qui s’était arrêté pour échanger quelques mots et partager sa joie d’être à Montreux. Devant mes yeux, les jam-sessions ont repris vie dans un rêve éveillé : Jamie Cullum caresse dynamiquement son piano devant moi avant que les talents de la région enchaînent une célébration d’improvisation tantôt bepop, tantôt blues.Une chose est certaine : la vie d’avant était riche d’expériences salvatrices. Qu’en serait-il de la vie d’après ?
Jamais autant d’émotions ne m’auront pas percuté à mon arrivée au Montreux Jazz Festival. Et j’y ai vécu quelques-uns des plus beaux moments de ma vie, tout domaines confondus. C’est peut-être ces effluves de vie d’avant qui perturbent, ou la menace que les réunions massives de corps transpirants dans une salle qui nous offre que quelques centimètres pour respirer disparaissent. Jamais je n’ai croisé si peu de monde sur ces trottoirs de la première quinzaine de juillet. Jamais je n’ai croisé si peu de collègues discuter des performances envoûtantes dont ils ont été témoins. Jamais je n’ai pu traverser les quais aussi rapidement à l’heure où la Suisse lève son verre à la vie.En 2021, le mot festival rime avec minimalisme. Le Montreux Jazz Festival a su rendre ce nouvel adjectif aussi doux qu’un baiser déposé avec tendresse sur notre front.
Les mélomanes du soir n’apportent aucune nuance dans leur témoignage. Après plusieurs échanges avec le staff du festival et le public présent, les paraphrases mènent à la même conclusion : un mélange étrange de sentiments, un goût à la fois doux et amer effacé par l’intensité du bonheur de pouvoir fouler ce goudron afin de revivre un moment de musique. Loin du streaming. Loin de la froideur du digital. Loin du confort de notre canapé. Tous ressentent cette tristesse de ne pas être avec plus de monde, de n’avoir pas plus de concerts, de devoir s’assurer de son état de santé pour accéder à la magie montreusienne. Mais au-delà de cela, tous revivent, sourire aux lèvres, à l’idée de voir la musique prendre vie devant leurs yeux. Après tout, l’histoire nous l’a prouvé. La musique est l’antidote aux vagues à l’âme et, sans elle, la vie manque d’exutoire à nos nuances.
Devant moi, s’élève la majestueuse Scène du Lac. Ancrée sur le lac, elle semble sourire alors que le soleil disparaît derrière un ciel qui, au loin, se déchire de fureur. L’envie de créer ce lieu n’est pas nouveau. Claude Nobs évoquait déjà cette envie de son vivant. Chaque rêve se concrétise lorsque son heure est arrivée. Les sourires qui se dessinent sur les visages du public ne laissent pas de doute : un écrin de magie se dresse sur le lac. Et, malgré la distance entre le lieu de création et l’audience qui assure un défi supplémentaire aux artistes, les rumeurs que l’on entend émaner du public assurent que le lien se créera au fil des harmonies.
L'orage avançant d’un pas menaçant, le Montreux Jazz Festival n’a pas d’autre choix que d’écouter les éléments : le début des concerts est retardé et les mélomanes patienteront au Petit Palais. La musique se fait désirer et le manque se fait ressentir, mais tous comprennent. La salle qui nous abrite accueille une ambiance agréable où les discussions pandémiques s’effacent au fil des verres offerts par les organisateurs. Dehors, les éléments se déchaînent et l’espoir se meurt jusqu’à ce que Mère Nature décide, après une heure quarante-cinq d’hésitation, de nous laisser revivre, enfin, cette musique live qui nous a tant manquées. L’heure du retour à la Scène du Lac a sonné.
Les éléments ont exprimé leur déchaînement avant de s’apaiser. La pluie, elle, reste infinie. Elle ne déchire plus, mais caresse le lac et les corps de sa fraîcheur alors que la mélancolie de Dotan se propage depuis la scène. Ses harmonies se révèlent sous la forme de cette pop contemporaine qui fait la part belle aux tourments des émotions. La douceur semble définir son ADN musical. Sa voix de velours s’envole vers les âmes à proximité. Sa musicalité, présentée par l’artiste et son compère explorant divers instruments, ne s’aborde pas d’une complexité élitiste, mais au travers d’une simplicité qui sert son propos. La douceur créée sur scène contraste avec l’orage qui a failli nous priver de ce moment. Et c’est cette même douceur qui nous atteint, nous délivre de cette peur qui nous jurait qu’on n’aurait plus le bonheur de dire « ce week-end ? Je ne peux pas, je vais au Montreux Jazz ! ».
Après avoir joué « Mercy », issu de son album « Satellites » sorti il y a peu, avec l’aide du public, Dotan, installé au piano, craque et laisse apparaître quelques larmes sur sa joue. Il nous explique qu’il entame sa première tournée des festivals en cinq ans au Montreux Jazz. Lieu où il a toujours rêvé de se produire. Notre contexte de vie actuel, allié à la fureur du lac Léman, a presque réussi à tuer son rêve. La musique reprend, le public frigorifié sent son être être réchauffé par les accords qui s’envolent depuis la scène. Jusqu’au bout de la soirée, et comme elle l’a toujours été, elle aura balayé tous les soucis qui nous entourent. Ce soir, elles se sont incarnées dans la douceur des créations de Dotan. Un moment suspendu dans le temps tant l’avenir est incertain. Les lumières s’éteignent, les voix s’expriment à nouveau à l’unanimité : on se souviendra longtemps de ce 55ème Montreux Jazz Festival.
Photo : ©Montreux Jazz Festival / Marc Ducrest
Jamais autant d’émotions ne m’auront pas percuté à mon arrivée au Montreux Jazz Festival. Et j’y ai vécu quelques-uns des plus beaux moments de ma vie, tout domaines confondus. C’est peut-être ces effluves de vie d’avant qui perturbent, ou la menace que les réunions massives de corps transpirants dans une salle qui nous offre que quelques centimètres pour respirer disparaissent. Jamais je n’ai croisé si peu de monde sur ces trottoirs de la première quinzaine de juillet. Jamais je n’ai croisé si peu de collègues discuter des performances envoûtantes dont ils ont été témoins. Jamais je n’ai pu traverser les quais aussi rapidement à l’heure où la Suisse lève son verre à la vie.En 2021, le mot festival rime avec minimalisme. Le Montreux Jazz Festival a su rendre ce nouvel adjectif aussi doux qu’un baiser déposé avec tendresse sur notre front.
Les mélomanes du soir n’apportent aucune nuance dans leur témoignage. Après plusieurs échanges avec le staff du festival et le public présent, les paraphrases mènent à la même conclusion : un mélange étrange de sentiments, un goût à la fois doux et amer effacé par l’intensité du bonheur de pouvoir fouler ce goudron afin de revivre un moment de musique. Loin du streaming. Loin de la froideur du digital. Loin du confort de notre canapé. Tous ressentent cette tristesse de ne pas être avec plus de monde, de n’avoir pas plus de concerts, de devoir s’assurer de son état de santé pour accéder à la magie montreusienne. Mais au-delà de cela, tous revivent, sourire aux lèvres, à l’idée de voir la musique prendre vie devant leurs yeux. Après tout, l’histoire nous l’a prouvé. La musique est l’antidote aux vagues à l’âme et, sans elle, la vie manque d’exutoire à nos nuances.
Devant moi, s’élève la majestueuse Scène du Lac. Ancrée sur le lac, elle semble sourire alors que le soleil disparaît derrière un ciel qui, au loin, se déchire de fureur. L’envie de créer ce lieu n’est pas nouveau. Claude Nobs évoquait déjà cette envie de son vivant. Chaque rêve se concrétise lorsque son heure est arrivée. Les sourires qui se dessinent sur les visages du public ne laissent pas de doute : un écrin de magie se dresse sur le lac. Et, malgré la distance entre le lieu de création et l’audience qui assure un défi supplémentaire aux artistes, les rumeurs que l’on entend émaner du public assurent que le lien se créera au fil des harmonies.
L'orage avançant d’un pas menaçant, le Montreux Jazz Festival n’a pas d’autre choix que d’écouter les éléments : le début des concerts est retardé et les mélomanes patienteront au Petit Palais. La musique se fait désirer et le manque se fait ressentir, mais tous comprennent. La salle qui nous abrite accueille une ambiance agréable où les discussions pandémiques s’effacent au fil des verres offerts par les organisateurs. Dehors, les éléments se déchaînent et l’espoir se meurt jusqu’à ce que Mère Nature décide, après une heure quarante-cinq d’hésitation, de nous laisser revivre, enfin, cette musique live qui nous a tant manquées. L’heure du retour à la Scène du Lac a sonné.
Les éléments ont exprimé leur déchaînement avant de s’apaiser. La pluie, elle, reste infinie. Elle ne déchire plus, mais caresse le lac et les corps de sa fraîcheur alors que la mélancolie de Dotan se propage depuis la scène. Ses harmonies se révèlent sous la forme de cette pop contemporaine qui fait la part belle aux tourments des émotions. La douceur semble définir son ADN musical. Sa voix de velours s’envole vers les âmes à proximité. Sa musicalité, présentée par l’artiste et son compère explorant divers instruments, ne s’aborde pas d’une complexité élitiste, mais au travers d’une simplicité qui sert son propos. La douceur créée sur scène contraste avec l’orage qui a failli nous priver de ce moment. Et c’est cette même douceur qui nous atteint, nous délivre de cette peur qui nous jurait qu’on n’aurait plus le bonheur de dire « ce week-end ? Je ne peux pas, je vais au Montreux Jazz ! ».
Après avoir joué « Mercy », issu de son album « Satellites » sorti il y a peu, avec l’aide du public, Dotan, installé au piano, craque et laisse apparaître quelques larmes sur sa joue. Il nous explique qu’il entame sa première tournée des festivals en cinq ans au Montreux Jazz. Lieu où il a toujours rêvé de se produire. Notre contexte de vie actuel, allié à la fureur du lac Léman, a presque réussi à tuer son rêve. La musique reprend, le public frigorifié sent son être être réchauffé par les accords qui s’envolent depuis la scène. Jusqu’au bout de la soirée, et comme elle l’a toujours été, elle aura balayé tous les soucis qui nous entourent. Ce soir, elles se sont incarnées dans la douceur des créations de Dotan. Un moment suspendu dans le temps tant l’avenir est incertain. Les lumières s’éteignent, les voix s’expriment à nouveau à l’unanimité : on se souviendra longtemps de ce 55ème Montreux Jazz Festival.
Photo : ©Montreux Jazz Festival / Marc Ducrest
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