Baptiste Hurni: l'égalité par l'exigence
Baptiste Hurni - J'ai la chance d'être le deuxième rédacteur de cette rubrique politique. Mon nom est Baptiste Hurni, j'ai 23 ans, je suis neuchâtelois, habitant du Val-de-Travers et socialiste. Je suis actuellement député au Grand Conseil, conseiller général de ma commune ainsi que prés...
Par ailleurs, j'ai obtenu un Bachelor en Histoire et en Français à l'Université de Neuchâtel, et je serai bientôt titulaire d’un master en histoire contemporaine. De plus, en tant que membre fondateur de l’entreprise cité Al'FEN S.A, j'occupe la présidence du Conseil d'Administration de cette société anonyme crée pour administrer les logements-étudiants. Enfin, je travaille aussi pour la Fédération des étudiants neuchâtelois comme secrétaire général.
Cependant, dans cette colonne, c'est bel et bien le politicien qui parle, et j’ai choisi, aujourd’hui, un coup de gueule sur la scolarité obligatoire !
Scolarité : l'égalité par l'exigence
Mai 68 a vu fleurir des slogans du type « il est interdit d'interdire », « la culture, c'est comme la confiture, moins on en a, plus on l'étale » et mille autres sarcasmes remettant fondamentalement en cause l'enseignement traditionnel, avec un professeur presque sacralisé, un canon de textes incontournables, une rigidité à toute épreuve.
Bref, on a tout foutu loin, le bébé avec l'eau du bain, les profs au milieu! C'était la fête, on allait enfin pouvoir atteindre l'égalité des chances, puisque les enfants de bonnes familles ne seraient plus avantagés à l'extrême par les connaissances classiques. Et puis on a développé ce qui est appelé d'autres savoirs, des savoir-faire, des connaissances sociales, j'en passe et des meilleures. Les pédagogues, bien au chaud dans leurs HEP, ont petit à petit imposé leurs vues, leurs conceptions selon lesquelles chaque élève doit apprendre à son rythme ; les linguistes dits « synchroniques » ont réussi à nous faire croire qu'il n'y a pas de fautes de langue, pas de fautes d'orthographe, seulement des adaptations.
Ainsi , l'égalité des chances, valeur fondamentale, devait être atteinte. Mais ainsi, on a jamais autant creusé les inégalités, tout en abaissant dangereusement le niveau intellectuel des nouvelles générations. L'enfer est pavé de bonnes intentions.
Suis-je un horrible réactionnaire? Suis-je complètement en dehors de toute réalité? Oublie-je que la théorie du bon vieux temps ne se vérifie jamais et qu'Aristophane déjà ne parvint pas orienter l'évolution en brocardant l'éducation nouvelle et en prônant le retour aux vieux principes
Non, mais je constate qu'aujourd'hui, les élèves qui sortent de l'école obligatoire ont peut-être développé de nombreuses connaissances différentes, mais toujours est-il qu'ils ne savent plus écrire correctement en français, ont des connaissances en allemand lamentables et ont bien souvent une vision de l'histoire pour le moins incomplète, rendant la révolution française dangereusement contemporaine d'un Jules César. Surtout, ils ne possèdent pas complètement les connaissances indispensables sur le marché du travail. Etant un politicien pragmatique et empirique, je me fonde sur une expérience pour affirmer cela. L'entreprise où je sévis, a désiré engager une stagiaire. Il s'agit d'un poste où l'entregent, le secrétariat et les langues étrangères sont essentiels. Nous avons reçu plus de cinquante dossiers : quelle ne fut pas ma surprise et ma déception de constater qu'à peine un dossier sur dix ne comportait aucune faute d'orthographe criante. Je ne parle pas ici de fautes pointues, comme « après que + indicatif », mais de fautes de bases telles que: « Cet offre d'emploi », « je suis intéresser » ou encore les très nombreux « se poste me conviendrais ». Ironie du sort : la lettre la mieux rédigée était le fait d'une personne de langue...allemande!
C'est un échec grave de l'enseignement public, car, que cela plaise ou non aux linguistes, si vous envoyez des offres avec de telles « adaptations » de la langue, vous n'avez pas le contrat, c'est tout. Et à terme, vous faites faillite. Dura lex, sed lex.
Les exigences de base ont donc changé pour ne pas dire diminué, mais a-t-on au moins atteint le but affiché de l'égalité des chances? Au risque d'enfoncer le clou, je répète qu'on n'a jamais autant creusé les inégalités. En effet, devant le niveau très discutable de leurs chères têtes blondes, les parents qui ont des connaissances personnelles étendues, qui ont du temps à consacrer à leur progéniture, car l'un des deux conjoints gagne suffisamment bien sa vie, bref, les catégories sociales relativement élevées ont compensé ce manque de l'école obligatoire. Il n'y a rien de moins égalitaire, puisque seuls les enfants de ces catégories sociales ont acquis des connaissances en phase avec le monde réel. De plus, c'est actuellement au niveau de la maturité gymnasiale que ces bases sont acquises, laissant les jeunes à l'apprentissage vides de ces savoirs pourtant fondamentaux! Encore pis que cela, de plus en plus, devant ce constat d'échec de l'enseignement public, les parents vraiment aisés optent pour l'enseignement privé, plus rigoureux, plus performant, et terriblement plus cher. Seul les gens riches sont, dans ce système, correctement éduqués. C'est un naufrage de l'égalité des chances, un drame pour toute personne de gauche. L'enseignement public doit promouvoir la qualité, doit rester la norme.
Mais il ne suffit pas de constater et de se plaindre. Comme le dit J. Studer, « en politique, le talent, ce n'est pas tellement de dire que faire, mais de dire comment le faire ». En l'occurrence, que faire, c'est facile : améliorer le niveau de nos chères têtes blondes. Comment le faire, beaucoup moins.
Parce que l'ambiguïté est là : le retour en arrière pur et simple n'est pas souhaitable. Mai 68 et ses suites ont aussi eu de bonnes conséquences, comme la désacralisation du professeur - même s'il ne faut pas tomber dans la familiarité - une certaine souplesse dans les canons de textes - même si certains classiques ne devraient pas être oubliés - une valorisation de la réflexion au détriment de la connaissance pure - même si certains savoirs doivent être acquis.
La solution passe donc peut-être par des harmonisations suisses, du type HarmoS, très insuffisante, mais surtout par la fixation des compétences minimales que chaque élève, en sortant de l'école obligatoire, doit maîtriser. La réponse réside certainement dans un très fort taux d'encadrement pour les élèves qui ont de la peine dans une branche, mais en permettant à ces mêmes personnes d'accéder aux classes avancées là où ils ont des prédispositions, avec un nombre plus restreints de professeurs. Elle passe évidemment par la journée continue, pour ne plus défavoriser les parents qui travaillent. Enfin, l'école publique devrait prendre acte de l'avancée des technologies et de plus en plus intégrer des apprentissages grâce à l'outil informatique, sans pour autant lâcher le contact humain. On le voit, l'action politique devrait, une nouvelle fois, réussir combiner adroitement entre nouveauté et rigueur.
En conclusion, je crois donc que notre système d'instruction doit être totalement et puissamment réformé. Il doit l'être, parce qu'en Suisse, selon la formule consacrée, notre seule matière première c'est la matière grise. Mais il doit surtout l'être pour qu'enfin cette valeur, en laquelle je crois fondamentalement, c'est-à-dire l'égalité réelle des chances, puisse se concrétiser dans les actes. Dans le domaine de la scolarité, l'exigence est certainement moins attractive que l'absence de règle, mais elle est la condition sine qua non de l'égalité.
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Voilà très longtemps que j'errais dans le désert de la pensée unique de mes camarades socialistes ! Où donc était passé leur bon sens ? Voilà bientôt 30 ans que le parti soutient sans relâche une secte pédagogique, alors que celle-ci lamine littéralement l'école romande, en particulier sur ses axes lémano-jurassiens. Bravo pour votre billet, mais il vous faudra la force qui déplace les montagnes, car malheureusement, le parti se fait manipuler par la secte des pédagogistes, instrument dangereux qui se vêt de l'idéal marxiste, mais qui détruit le savoir et égalise tout ce qui dépasse, au niveau le plus bas. A cause de cette déviance pédagogique qui me touche de près, ça fait plus de dix ans que je n'élis plus de socialiste, à mon corps défendant !
Alors, en un mot comme en cent : courage et merci !