The Roots & John Legend - « Wake Up ! »
Sophia Bischoff - The Roots sont de retour avec un nouvel album. Au menu : une collaboration avec John Legend à la sauce soul.
Tout d’abord, John Legend et The Roots n’ont pas sélectionné les morceaux les plus connus du répertoire des années 60 et 70. Quand d’autres artistes s’en tiennent à offrir au public des reprises de tubes connus de tous, eux ont d’avantage cherché à refaire découvrir les perles dudit catalogue. Mais ce n’est pas pour autant que de grands noms ne se cache pas derrière ces titres. C’est donc les compositions de Donny Hathaway (« Little Ghetto Boy »), Nina Simone (« I Wish I Knew How It Would Feel to Be Free ») ou encore Marvin Gaye (« Wholy Holy ») – pour s’en citer que quelques uns – qui apparaissent sur l’album. De plus, le duo ne s’est pas limité au répertoire soul de l’époque. Ainsi, on retrouvera une touche de hip-hop avec Pete Rock & CL Smooth (« Straighten it out » - dont on retrouve le refrain sur le titre « Our Generation ») – ou encore de reggae avec Prince Lincoln (« Humanity »).
The Roots et John Legend, n’ont pas non plus fait un « simple » album de reprise en sélectionnant des morceaux sans thématique générale cohérente (ou ne parlant que d’histoire d’amour – ce qui est, ayons le courage de le reconnaître, souvent le cas dans ce type d’album). Inspiré par les élections de 2008 et le désormais célèbre « Yes we can », l’album parle de la situation sociale des Etats-Unis, de guerre ou encore de préservation de l’environnement. Et c’est là qu’apparaît le côté le plus intéressant de l’album. Quand on s’attarde un peu sur les paroles des morceaux choisis (et, pour rappel, écrits à une époque différente de la notre) on ne peut qu’être marqué par le fait que les textes reflètent, dans leur ensemble, une réalité tristement similaire à la notre. « I Can't Write Left Handed », originalement enregistré par Bill Withers, illustre bien ceci. Du long de ses 11 minutes 48, le titre impressionne tout d’abord par sa qualité musicale. Un arrangement bluesy doté d’un certain côté envoûtant (notamment grâce aux chœurs), une guitare qui, dans les mains de Captain Kirk Douglas, vous coupe le souffle et un John Legend qui offre une interprétation vocale en totale adéquation avec le message de la composition. Passé ce stade, l’oreille ne pourra s’empêcher de reconnaître l’actualité du texte. John Legend le souligne d’ailleurs au début du titre : « Bill Withers recorded this song at the end of the Vietnam War. As I record this now, America, land of peace and prosperity, is in the middle of two wars.(…) » (« Bill Withers a enregistré ce morceau à la fin de la guerre du Vietnam. Au moment où j’enregistre ce morceau, l’Amérique, pays de paix et de prospérité, et engagé dans deux guerres (…) »). L’album soulève et fait donc passer un message très clair ; malgré les progrès et changements entre les deux époques concernées, certaines choses sont toujours pareil. On est donc face à un album engagé aux paroles qui ont de la gueule.
Si l’on s’éloigne du texte et qu’on s’attarde plus à la musique, on sera d’autant plus convaincu de la qualité de cet album. « Hard Times » ouvre l’album en puissance. La richesse de l’arrangement et la présence de The Roots au complet donne une dimension intéressante au morceau. Vocalement, John Legend offre finesse et intensité sans tomber dans le sur-jeu vocal. Le couplet de la voix de The Roots, Black Thought, capture le désespoir de la population se battant pour joindre les deux bouts et apporte au morceau une touche hip-hop qui l’emporte encore plus loin. Le risque d’une entrée en matière réussie est de laisser l’auditeur sur sa fin. Et encore une fois, « Wake Up ! » évite le piège. « Compared to What », deuxième titre de l’album, relève encore un peu plus le niveau de puissance musical de l’album et les morceaux qui suivent ne font que confirmer ce qu’on a pu entendre dès les premières notes.
Sur cet album, on a aussi le plaisir de retrouver deux invités de marque. En effet, Common et la voix montante du R&B canadiens, Melanie Fiona rejoignent The Roots et John Legend sur « Wake Up », premier single de l’album. Morceau au message d’espoir et aux allures d’hymne au changement, « Wake Up » offre une belle vitrine à la thématique et à l’ambiance de l’album.
La fin du voyage musicale de The Roots et John Legend se termine sur une de leur composition, « Shine » (qui est également la chanson phare du documentaire « Waiting for Superman »). Ici, c’est la recette classique du morceau de soul entrainant qui est reprise ; piano, chœur et rythme tapé des mains. Le tout nous transportant au milieux d’une chorale gospel américaine. Comme un film qui se termine en happy-end, ce morceau clôt avec beauté l’aventure Roots-Legend.
C’est donc une collaboration fracassante que nous ont offert The Roots et John Legend. Que ce soit dans son ensemble ou dans ses détails, « Wake Up ! » constitue un album alliant à la fois la soul des années 60 et 70, la légère pointe d’influences R&B grâce à la voix de John Legend et la touche du hip-hop de The Roots. Alors « Wake up » tout le monde. Filez chez votre disquaire pour acquérir cet album qui doit absolument trouver une place dans votre bibliothèque musicale.
Et parce qu’on est sympa, on vous a trouvé une mixtape regroupant les versions originales des morceaux repris sur cet album :
The Roots & John Legend : Wake Up Session - The Originals
Et comme on est vraiment sympa, on vous laisse avec une vidéo extrait du concert The Roots & John Legend – Live @ Amex Unstage. Vous trouverez, d’ailleurs, l’intégralité du concert sur la chaine youtube de John Legend.