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10. Avril 2008, 10:29 Music Films

Le Cahier

Simon Knopf - de Hana Makhmalbaf avec Hamas Alijome, Abdolali Hoseinali, Nikbakht Noruz. Le cahier s'ouvre et se ferme sur une explosion. D'une paroi de roche s'élève un nuage de poussière ocre. Les images semblent être filmés par un amateur à distance et n'ont en quelque sorte rien à f...

de Hana Makhmalbaf avec Hamas Alijome, Abdolali Hoseinali, Nikbakht Noruz.

Le cahier s'ouvre et se ferme sur une explosion. D'une paroi de roche s'élève un nuage de poussière ocre. Les images semblent être filmés par un amateur à distance et n'ont en quelque sorte rien à faire dans la narration du film, qui, lui, se déroule des années après.

Ce n'est qu'en traduisant le titre original du film qu'on peut savoir à quoi ces images (vraisemblablement tournées par la réalisatrice elle-même) font référence. « Buddha s'est écroulé de honte »... nous renseigne le titre original. Il s'agit en fait d'une phrase soufflé par le père de la réalisatrice, cinéaste iranien reconnu (« Salaam Cinéma » c'est lui) à l'occasion de la destruction de deux statues de Boudha par les Talibans en 2001 à Bamian en Afghanistan.

Le choix d'un titre plus pragmatique pour la version française met l'accent sur un autre thème du film : l'accès à l'éducation

En Afghanistan, la petite Baktay (6 ans) s'ennuie ferme dans sa grotte et préférerait suivre les chemins de l'école plutôt que de garder son petit frère à la maison. Bercée par les litanies de son voisin récitant son alphabet elle imagine un monde gai, plein de lettres, de mots inconnus, d'histoires drôles... et de rêves.

Convaincue que dans ce monde de possibilités, il y a aussi une place pour elle, elle va alors tout faire pour s'acheter une cahier et se faire une place sur les bancs d'école.

Mais, en Afghanistan, long et difficile est le chemin qui mène la femme à l'éducation. Les idées reçues sont là, dans l'oeuf, bien implantées déjà dans le crâne de ces enfants qui jouent à la guerre, à la séquestration, au posage de mines et à la lapidation. Baktay est déterminée, bien décidée à ne pas « faire la morte » pour qu'on lui laisse la paix.... mais quel espoir peut encore avoir une fille de 6 ans dans un pays ravagé par la guerre, nourri par la violence et l'intolérance... « c'est pas gagné !» semble répondre Bouddha en s'écroulant de sa falaise.

Hana Makhmalbaf est née dans le cinéma. Fille de Mohsen Makhmalbaf et cadette de Samira (« La Pomme », « A Cinq Heures de l'Après-Midi », « Le Tableau Noir ») elle s'inscrit à la Makhmalbaf Film School de Téhéran et réalise son premier long-métrage documentaire à l'âge de quinze ans. Elle avait auparavant déjà présenté un court-métrage au festival de Locarno en 1996... je vous épargne le calcul, elle avait 8 ans ! On peut alors pensé que la petite fille du « Cahier » est une projection de la réalisatrice, tant sa détermination et sa lucidité rappelle celle de Hana M. N'ayant pas reçu d'autorisation de tournage pour son film en Iran, la jeune fille décide alors de tourner son en Afghanistan, monter au Tadjikistan et mixer en Allemagne. Vous me direz que c'est certainement plus simple quand on a le soutien de la famille mais tout de même ça force l'admiration. Comme on respecte le film qui peut faire peur à priori par son choix esthétique : un style documentaire à la mode, faisant parfois fi des changements de focales et raccords harmonieux. Certes le décor est magnifique, la caméra proche des visages d'enfants, mais le tout fait parfois un peu vidéo amateur. On redoute aussi le message : « La violence c'est pas bien, la solution est dans l'éducation ! » Heureusement, très vite la complexité s'installe : l'éducation a son prix et l'issu, peu importent les sacrifices accordés, n'est pas encore toute rose.

Le Cahier, c'est le portrait d'un pays ravagé par la guerre et le spectacle de la violence, la vision d'une jeune réalisatrice de 18 ans qui voudrait croire en la naîveté des enfants et à l'espoir qu'ils représentent. C'est un signal d'alarme, une leçon de moral à l'usage du monde, un brin artificiel parfois, mais tellement tendre et lucide qu'on voudrait croire qu'elle sera assimilée par le plus grand nombre...

... «mais Buddha s'effondra de honte ».

écrit par Etienne Rey

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