Dutti
Simon Knopf - Gottlieb Duttweiler, « Dutti » pour les intimes, c'est un modèle d'amour adolescent, un « che » Guevara de la consommation, un pavé dans la mare politique suisse, un humaniste invincible, un génie stratégique... bref, c'est un peu notre Guillaume Tell à nous ... ah oui, ...
Dutti, c'est LE héros suisse... enfin c'est ce que dit le documentaire en tout cas car personnellement je n'étais pas au courant.
J'explique: Dutti = Migros = modèle de réussite 100% swiss made, garantie sans tâche !
Voilà, vous n'apprendrez pas grand chose de plus dans ce documentaire, succession d'images d'archives montées chronologiquement, entrecoupées d'interviews parfois cocasses de fidèles groupies de Dutti sur une musique de supermarché.
Je dis les choses comme elles sont, inutile de vous trompez sur la marchandise. C'est écrit Mivella sur l'étiquette, libre à vous de pensez que vous aller boire du Rivella !
Malgré tout, le film n'est pas inintéressant, ennuyeux à la longue certes mais pas dénué d'intérêt. D'abord, Gottlieb Duttweiler force le respect. Déterminé, touche à tout, pragmatique, malin publicitaire, il est capable de retourner toutes les situations et obstacles à son avantage, au grand dam de ses adversaires. Il est passé partout. Né le 15 août 1888 à Zürich il se lance dans le commerce, devient très vite partenaire d'une grande firme d'importation de marchandises coloniales, part en Amérique du Sud lorsque celle-ci est liquidée, y crée une entreprise de production de café mais n'y connaissant rien il revient en Suisse. A partir de là tout va très vite, il crée la « Migros », société commerciale sans intermédiaire, envahit la Suisse de « camions Migros », fait rêver les ménagères, secoue un peu le monde politique, fonde un parti, fait gagner un Oscar® à la Suisse, lance le quotidien « Die Tat », et distribue quasi lui-même de l'essence.
Citizen Kane sur les bords de la Limmat, pure et limpide. Après ça il y a les absences : les images qu'on ne montre pas, les sujets qu'on élude, les contradictions évidentes qu'on ignore et sutout ce dernier plan, isolé du reste, trahissant la logique chronologique du film. Quelle qu'ait été sa raison d'être initiale et sa pertinence à cet endroit là, il souffle, certainement malgré lui, une dernière fois le mot « propagande » à l'oreille du spectateur. Quand on sort de la salle on a envie d'en savoir plus, de trouver les failles, comprendre par exemple pourquoi ce bon-vivant notoire refusait, cigare au bec, la vente d'alcool et de tabac ? Surtout pourquoi le film n'en parle pas ?
J'ai peut-être simplement le désir pervers de tâcher un peu l'icône, de voir de la corruption et de la manipulation partout et surtout de continuer à pouvoir faire mes courses à la « Coop » !
Ne faîtes pas comme moi ! Le film vaut mieux que ça...
Documentaire de Martin Witz (« War Photographer »), avec Gottlieb Duttweiler (Archives), Adele Bertschi (Archives), Sara Capretti (Narratrice), ...
Suisse, 2007.
écrit par Etienne Rey