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25. Juillet 2012, 00:00 Concert Music Festivals Interview

La Gale - Interview

Sophia Bischoff - Au détour d’un concert sur la Plaine de l’Asse, Students.ch s’est offert une escapade dans les backstages du Club Tent pour rencontrer l’une des dernières révélations de la scène rap suisse-romande. Rencontre avec le franc-parler de La Gale.

Students.ch : Si tu croisais un inconnu dans la rue et qu’au bout de quelques minutes de discussion il te demandait : « ah mais au fait, tu sais qui c’est La Gale ? », qu’est-ce que tu lui répondrais ? »
La Gale : Je dirais que je suis une fille qui rappe depuis 5-6ans sur scène. J’ajouterai qu’on a une tendance plutôt hardcore que comique, qu’on aime l’idée de revendiquer des choses plutôt que de parler de la couleur de notre slip et qu’il faut venir aux concerts.

Tu étais dans un groupe de punk avant de faire du rap. Comment s’est passé le changement de style ?
Ça ne s’est pas fait du jour au lendemain et je pense que j’ai toujours un pied dans le milieu punk donc je ne sais pas. Si tu veux, j’écoute du pe-ra depuis que je suis gamine. J’étais dans un groupe de punk et j’ai eu envie que mes textes prennent une autre forme. Au niveau de la discipline, je me sentais plus d’aller attaquer l’instru. Voilà, ça a commencé comme cela. Ça a commencé petit à petit et ça n’a pas été un changement drastique.

Si on te dit que de nos jours le hip-hop est le punk de notre époque, qu’est-ce que tu réponds ?
Je dirais que c’est vrai dans un certain sens parce qu’il y a un fond de révolte qui pourrait être le même. Mais, fondamentalement le punk a un côté plus occidentale. Il vient d’une jeunesse désabusée qui, à un moment donné, à chercher à aller revendiquer autre chose. Le rap, c’est une jeunesse qui est désabusée. Mais, c’est une jeunesse qui est essentiellement composée de fils d’immigrés – ce que je suis aussi, tu vois – et de jeunes qui veulent s’arracher de leur condition. Ma différence avec le punk (“ce côté no future”), c’est que je veux un futur pour nos enfants, pour mes petits frères. J’ai envie qu’à un moment donné ces gens qui ont construit ce pays, qui n’ont jamais eu de papiers, qui sont morts sur des chantiers aient leur instant de gloire.

C’est donc essentiel pour toi de faire un rap composé de paroles engagées ?
Je pense que c’est un pléonasme de parler de rap engagé. Si le rap n’est pas engagé, ce n’est pas du rap. C’est ma définition de la chose.

Tu es totalement à l’opposée de cette facette commerciale...
De toute manière, tout a été récupéré. Même dans le punk, il y a des groupes qu’on peut définir comme commerciaux. A un moment donné, tout se situe dans ta démarche, dans ton discours et dans ta manière de l’appliquer dans la vie de tous les jours.

Ça me permet de rebondir en te citant un tweet de Colt Seavers « La Gale fait saigner les oreilles des beaufs au Paléo ». C’est un peu un paradoxe de jouer à Paléo, d’être présente à Cannes – comme tu as pu l’être avec ton film.
Cannes et Paléo c’est pas un paradoxe en soit. Mais, on m’a souvent dit « ouais tu dis être engagé mais tu joues sur des grandes scènes, tu vas dans des grands festivals... » A ça je répondrais encore une énième fois qu’à un moment donné,on a fait le choix de se rendre visibles, de sortir de l’anonymat, quitte à même se dire qu’on en vivrait un peu. Ceci dit on continue de jouer dans les lieux qui ont vu naître ce projet, gratuitement ou à prix libre, on fait toujours des soirées de soutien pour les causes auxquelles on croit, on est opérationnels et ça personne ne pourra nous l’enlever. Être critiqué c’est une chose, mais qu’on nous souhaite victime toute notre vie en est une autre, on a jamais dit qu’on allait continuer de nous noyer toute notre vie sans prendre notre part du gâteau. Le message à nos détracteurs, c’est de se concentrer sur les réelles cibles à combattre : l’Etat, les flics, la justice, les politicards, l’extrême-droite... Sinon qu’ils aillent se faire foutre

Tu étais à Cannes pour présenter le film « Opération Libertad » dans lequel tu joues. Qu’est-ce que ton expérience d’actrice a apporté quelque chose à ton rap ? Et inversement ?
« De l’encre » (ndlr : l’autre film auquel La Gale a participé) a apporté quelque chose à mon rap. « Opération Libertad » un peu moins puisqu’il s’agit d’autre chose. Je pense que tout dans la vie nous apprend quelque chose. Même monter un meuble ou planter un clou. Au niveau du cinéma ça s’est fait très rapidement et de manière très intense. On a eu peu de temps pour faire ce qu’on avait à faire. J’ai travaillé avec des gens exceptionnels qui m’ont beaucoup apporté.

C’est pas trop difficile d’être une femme dans le milieu hip-hop ?
Le sexisme est présent dans toutes les strates de la société. Les classes moyennes et même celles tout en haut de la pyramide ne sont pas épargnées par ce phénomène. Cette société est basée sur un mode patriarcal qui se ressent dans les différences de salaire, de places occupées dans les hautes assemblées. Donc je ne vois pas comment la musique aurait pu passer entre les gouttes. Le rap n’est pas plus sexiste que le rock ou le jazz. C’est encore un danger de basculer dans de la polémique vaseuse, de récupération, de propos à des fins politiquement douteuses que de débattre une énième fois sur le “sexisme dans le rap”, ou encore l’homophobie sans avoir conscience du fait que le patriarcat est partout. Ce qui m’importe c’est de passer un certain nombre de messages en esquivant au mieux les critères “petite meuf chétive sur scène mais qui envoie du bois”, parce qu’au final j’estime que c’est réducteur et que ça a peu d’importance. On n’est pas uniquement dans l’émotionnel ou le physique, c'est un élément qui nous constitue, mais on a un message à passer avant tout.

Mettre les textes avant le physique...
Ouais, carrément !

Le rap c’était mieux avant ?
Non, le rap c’est mieux aujourd’hui. Et le rap sera encore mieux demain.

Pourquoi ?
Parce qu’il faut avoir confiance dans les plus jeunes, il y a de très bons rappeurs qui débarquent sur la scène et vu la situation actuelle, ces gens-là vont se constituer partie active de la nouvelle génération, comme un reflet de notre société qui va faire mal à beaucoup de cons.

On ressent ton métissage libano-suisse dans ta musique. Est-ce important pour toi de faire le liens entre les deux cultures dans lesquelles tu as baigné ?
Je pars du principe que quand tu as grandi avec une culture qui est tronqué parce qu’elle est un peu 50/50 ou même encore plus complexe, à un moment donné, quand tu arrives à 20-25ans, tu te retrouves vraiment avec le cul entre deux chaises culturellement parlant. T’as reçu une éducation avec une langue qui était pas celle d’ici, tu l’as un peu renié parce que tu as grandit à la campagne – en ce qui me concerne. Puis est venu l’époque où, culturellement parlant, j’ai entendu que les choses bougeaient au Moyen-Orient. Je suis partie là-bas et j’ai décidé de rencontrer des gens. Je me suis mise à travailler avec exactement qui j’avais envie de bosser. Donc oui, ça me tient à cœur d’entretenir cette éducation que j’ai reçu par ma mère qui n’est plus de ce monde et qui m’a enseigné l’arabe et quelque chose de très oriental dans la manière de voir les choses, dans la famille, les amis ou les rapports sociaux. C’est très important.

Comment as-tu réagit par rapport à la fausse interview de toi qui a été publiée sur toi ? Celle où un anonyme prétendait s’être entretenu avec toi.
Putain, les nouvelles vont vite ! Écoute, j’essaie de pas trop trop la dilapider sur le net parce qu’elle n’est pas très intéressante. Je pense qu’il aurait pu faire beaucoup mieux, beaucoup plus méchant. Je n’ai jamais donné cette interview, et je ne me rappelle pas avoir rencontré ce type.

En même temps, si tu as des haters c’est que c’est que tu as des gens frustrés en face de toi...
Frustré de quoi ?! Je ne sais pas. Écrivez des chansons, faites à manger pour votre famille. Faites des ateliers, réparez votre maison, prenez des cours de couture et arrêtez de nous emmerder ! Après, moi je m’en fous. On sait pourquoi on fait les trucs. Notre vie de tous les jours n’est pas essentiellement constituée de musique et de concerts. On a des jobs comme tout le monde. Pour l’heure c’est comme ça. Et on monte d’autres projets. Les gens qui prennent le temps d’essayer de te détruire médiatiquement sont probablement des gens qui s’emmerdent profondément dans leurs vies.

Quel est le ou les conseils que tu donnerais aux étudiants pour qu’ils réussissent dans la musique ou dans leurs ambitions ? Quel principe t’as aidé ?
D’être passionné ! De croire à ce à quoi on a décidé de s’attaquer ou ce à quoi on a décidé de s’intéresser. A un moment donné, si tu prends un sujet, une piste à bras le corps parce que tu penses que c’est ça qui est juste, les institutions doivent être là pour te donner une assise mais elles ne doivent pas être là pour te cadrer.

La Gale sur le web : Bandcamp / Facebook

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