Mathieu Jaton à l'interview
Sophia Bischoff - Mathieu Jaton, directeur du Montreux Jazz Festival, revient sur ses débuts, ses goûts musicaux et ses coups de cœur de la programmation de la 47ème édition du célèbre festival de la riviera vaudoise.
Students.ch : La légende dit qu’un soir Claude Nobs t’a proposé de travailler avec lui pour le festival et que depuis tu n’as plus quitté le Montreux Jazz. Est-ce que vous avez toujours eu envie de travailler dans l’industrie musicale ?
Mathieu Jaton : Ah oui ! Dès l’âge de 18ans, j’ai travaillé pour Claude au Chalet dans le cadre de réception pour des artistes. Ca été le premier virus que le festival m’a insufflé. A partir de ce moment là, dès la fin de mes études à l’école hôtelière, j’ai voulu travailler dans l’évènementiel et encore plus pour le Montreux Jazz Festival qui était le rêve absolu.
Students.ch : Avant d’intégrer l’école hôtelière, aviez-vous aussi cette envie ?
Mathieu Jaton : Oui, parce que j’ai toujours été passionné par l’organisation d’événements. Déjà quand j’avais 12-15ans j’organisais des fêtes. Ce qui m’habite au quotidien c’est le plaisir de faire plaisir. J’aime ça ! Ca m’enrichit et je fais ce métier pour voir les gens être heureux en sortant d’un concert.
Students.ch : Au niveau de l’organisation, comment est-ce que le festival a vécu la disparition de Claude Nobs ? Tout est arrivé soudainement.
Mathieu Jaton : Non seulement c’était soudain, mais c’était très lourd et très émotionnel. Mais, ce qui est revenu assez vite c’est, que dans la douleur de l’absence de Claude, notre force était présente. Claude a toujours dit que, le jour où il partirait, il voulait qu’on fonce. Pour nous, c’était donc naturel de foncer. Il y a eu une synergie dans toute l’équipe du bureau qui était assez incroyable.
Students.ch : Ceci malgré toute la pression médiatique qui vous est tombée dessus ? Tout le monde vous attendait au tournant
Mathieu Jaton : Bien sur. Cette pression était surtout sur moi puisque les médias et les gens en général ont toujours besoin de mettre une figure sur un tel évènement. Surtout quand on avait quelqu’un d’aussi emblématique que Claude. J’ai ressenti cette pression. Mais, en même temps, j’y étais relativement bien préparée. Même si on pensait que la disparition de Claude n’arriverait jamais – il était comme quelqu’un d’immortel pour nous –, j’ai pris le parti pris de le gérer comme Claude l’aurait voulu, c'est-à-dire comme moi je le sens. Il fallait aussi que je reste complètement moi-même. Claude me disait à l’époque qu’il appréciait mon authenticité, ma simplicité dans l’appréhension des choses. On a vécu pleins de situations comme ça les deux. Et finalement, par la simplicité et l’authenticité, on résout tous les problèmes. J’ai toujours voulu rester de cette manière. Et ceci malgré le fait – et je m’en rends compte aujourd’hui – que je suis à la tête d’un des plus grands festivals en terme d’histoire. Mais voilà, quand je rentre à la maison, je suis toujours le même. Claude était aussi comme ça, il est resté lui-même. On est pareil sur ce point les deux, mais dans des tempéraments complètement différent. Mais c’est aussi cette complémentarité qui nous a permis de fonctionner aussi longtemps.
Students.ch : N’avez-vous pas peur de vivre la suite de l’histoire du festival dans l’ombre de Claude Nobs ?
Mathieu Jaton : C’est difficile de répondre à cette question puisqu’on ne sait jamais de quoi sera fait demain. Son âme est là. Ce n’est pas une ombre. Et même si c’était une ombre, elle est positive pour moi. Claude c’est aussi mon mentor donc c’est comme s’il était encore présent quelque part. Il sait aussi que j’ai ma personnalité et que j’aime faire les choses à ma manière même si on a la même perception des choses sur beaucoup de point, c’est pour cela qu’il m’a choisit. C’était réellement rare que Claude et moi ne tombions pas d’accord sur un point. Même dans la folie, dans l’irrationalité ! Dans le bureau, nos collègues nous disaient même qu’on les soulait parfois avec nos excès de folie (rires). On avait une sorte de fraicheur avec quarante ans d’écarte et une naïveté dans la perception des choses. On essaie, on avance. Les changements qu’on a présenté cette année sont l’incarnation de tout ceci. C’était quand-même gonflé de faire un lifting complet. On ne sait pas comment ces changements vont être perçu. Mais c’est aussi ça un festival, il faut changer, bouger, évoluer avec son temps, se remettre en question. On ne peut pas plaire à tout le monde, bien sûr. Mais je pense que lorsqu’on fait les choses par conviction, par passion, ça passe toujours mieux que par procuration.
Students.ch : Montreux c’est principalement du jazz. Mathieu Jaton, c’est quel style musical ?
Mathieu Jaton : Ma réponse va être bateau mais c’est tout. Pour moi, la musique ne se limite pas à un style. Je n’ai pas un style de prédilection. C’est au moment où je sens mes poils qui s’hérissent sur mes doigts que je sais que j’aime un artiste. Ca peut être du hiphop, de la techno, du jazz, de la soul, du rock, du brésil, du cuba, de l’électro pure. Là, si je regarde le programme de cette année, il y a quelques artistes qui m’ont juste créé une émotion incroyable et qui sont aussi variés les uns que les autres. Je n’ai aucuns apriori sur un groupe avant de le voir. C’est l’émotion qu’il me véhicule au moment où je le vois qui compte. Et ca, c’est Mathieu Jaton perso et pas Mathieu Jaton festival. Quand on est directeur d’un festival, on doit avoir une vision large qui s’adresse au public et pas exclusivement à nos goûts personnels. Après, il est clair qu’on a nos petits coups de cœur.
Students.ch : Claude Nobs voyait la programmation du festival comme un cuisinier et aimait rajouter des artistes au dernier moment, créant ainsi une certaine tradition. Est-ce que ceci va perdurer ?
Mathieu Jaton : L’improvisation oui. On a créé les lieu pour. Le jazz club a été créé pour ça. Donc la volonté d’improviser, de donner un espace de jeu aux musiciens après leur concert va rester. C’est l’ADN de Montreux. Par exemple, nous avons créé une programmation autour de Prince qui lui correspond en espérant que la magie se passera. On ne peut rien prévoir. Si un artiste qui joue à la Rock Cave, qui est hallucinant et qu’il a une histoire avec un artiste d’une autre salle, peut-être qu’il ira jouer avec. On ne sait pas.
Students.ch : Quels sont vos coups de cœur sur cette édition ?Mathieu Jaton : Il y en a beaucoup. Au Stravinski, ça reste Prince. C’est un monument qui nous surprend à chaque fois. Il y a aussi le concert en 3D de Kraftwerk. Personne ne s’attendait à ce que le groupe fasse un festival et tout le monde a été surpris. Il y a aussi le projet de Woodkid puisque visuellement et musicalement, c’est une tuerie. C’est pas la musique que j’écoute à la maison, mais sur scène c’est génial !
Au Club, il y a Avishai Cohen. J’adore cette vibe de musique jazz un peu nordiste. Dieter Meier aussi. Il est génial et a un sacré charisme. Je me réjouis de voir Lianne La Havas aussi.
Au Lab, c’est difficile de choisir. Il y a beaucoup de choses que j’aime beaucoup. Je suis curieux de voir Parov Stelar. Rodriguez sera intéressant à voir aussi. IAM aussi ! C’est mon adolescence, c’est mythique ! S’il y a une soirée coup de cœur qui m’envoute à chaque fois, c’est celle où James Blake et Devendra Banhart se produiront. Ce sont deux artistes qui m’envoutent. Particulièrement James Blake.
Students.ch : Est-ce qu’il y a des concerts que vous auriez aimé voir programmé pour cette édition mais qui ne se sont pas fait ?
Mathieu Jaton : Une déception, c’est Alicia Keys. Elle finissait sa tournée le 4 juillet, on avait une date prévue pour le 6 juillet en solo. Puis, ils ont décidé d’arrêter la tournée le 4 juillet et d’annuler toutes les dates prévues après. Malheureusement, ce sont des choses qui arrivent. En plus, Alicia Keys, en acoustique seule au piano, elle est juste incroyable. D’ailleurs, je la préfère en solo. C’est ma grande déception de cette année. Je l’adore. A chaque fois qu’elle revient, c’est génial. Je trouve son dernier album super. Elle a une voix magnifique et c’est une vraie musicienne.
Students.ch : Prince sera là pendant trois soirs. A Tribe Called Quest, mythique groupe de hiphop-jazz qui a fait la première partie de Prince aux USA, sont programmés à la même période à Frauenfeld. Pensez-vous qu’une collaboration est possible ? Mathieu Jaton : C’est une très bonne question. Ce qui serait génial, c’est que ça vienne de Prince lui-même ! On risque de lui glisser un petit mot. Mais rien n’est impossible, c’est l’adage de Montreux ! De plus, pour nous c’est la qualité de la prestation artistique qui prime. Donc si quelque chose comme ceci peut se faire, on va sauter sur l’occasion.
Students.ch : Le hiphop refait son retour à Montreux après une 46ème édition où il était un peu absent. D’où est venue cette volonté d’à nouveau assumer le fait que le Montreux Jazz a toujours laissé une place importante au hiphop ?
Mathieu Jaton : On a eu juste un cas l’année dernière pour les raisons qu’on connaît. Mais le hiphop, comme le reggae, le latino, font parti de l’ADN de Montreux. Le Lab s’inscrit complètement dans cette lignée là. Quand on parle du buzz du moment, le Lab visent tout les styles et surtout la nouvelle scène de ces différents styles. Le hiphop en fait donc naturellement parti. Ecarter le hiphop de cette programmation serait oublier quelque chose d’important. Le Lab se prête à cela.
Students.ch : Le créateur de l’affiche de cette édition, Oscat Oiwa, vit au Japon. Le Montreux Jazz Festival a beaucoup de lien avec ce pays. Est-ce qu’on peut imaginer d’autres développement entre le festival et le Japon ? Mathieu Jaton : Oui et ils sont déjà en route. On a le Montreux Jazz Festival à Tokyo. Le Japon a été malheureusement un peu mis en berne pour les raisons que l’on connaît. On a fait parti des seuls internationaux à continuer à collaborer avec eux suite au tremblement de terre. On a fait le festival à Tokyo deux mois après la catastrophe. Pour nous, c’est un pays de cœur. C’était important de continuer. Ils ont mis moins d’énergie ces derniers temps au niveau de l’export d’artistes, mais j’espère que cela va revenir. Les japonais sont des musiciens extrêmement talentueux. Donc oui, il y aura d’autres développements.
Students.ch : Les changements effectués cette année répondent à certaines attendent du public non assumée, comme le Jazz Club. Il y a aussi le Chalet d’en bas. Pourriez-vous nous en dire deux mots ?Mathieu Jaton : C’est un lieu prosélytique, un lieu de trait d’union et de transition sur l’histoire de la musique sur les 50 dernières années. Le tout au travers de l’ornière du festival et de Claude Nobs. C’est un lieu de convivialité où on va pouvoir découvrir la musique sur toutes ses coutures et toute son histoire. On voit, par exemple, qu’il y a un retour du vinyle de nos jours. Je trouve intéressant de permettre aux jeunes de découvrir le son analogique. Pas pour affirmer que « c’était mieux avant ». Mais plus pour faire un pond avec le passé.
Students.ch : Comme Students.ch est un média qui s’adresse aux jeunes en formation, nous aimerions connaître vos conseils pour les jeunes qui désiraient travailler dans l’industrie musicale ?
Mathieu Jaton : De rester passionné. C’est un peu maso de travailler dans l’industrie musicale. C’est un monde particulier. Il faut avoir envie de travailler dans ce milieu. Si on le fait parce qu’on se dit que ça va être sympa de rencontrer pleins d’artistes, il ne faut pas le faire. C’est une mauvaise raison. Il faut aimer l’organisation, mettre en place des choses, faire rêver les gens. C’est la passion qu’il faut avoir. De plus, il faut aussi avoir la passion initiale du métier dans lequel tu travailles. Mais, il ne faut pas le faire par procuration. Il ne faut pas se dire que l’on va travailler dans un festival parce que c’est cool. Ce n’est pas forcément cool. On a beaucoup de plaisir dans notre métier. Mais, c’est des horaires de taré. C’est comme dans l’hôtellerie. Il faut être prêt à ceci. Dans les quinze dernières années, j’ai vu beaucoup de personnes venir travailler au festival en disant que c’était cool et partir après deux mois parce qu’ils n’en pouvaient plus. Travailler dans un festival, ce n’est pas écouter de la musique toute la journée et rencontrer des artistes. Il y a peu de poste comme ceci dans le festival. Mais c’est comme quand n’importe quel métier, il faut aimer ce qu’on fait et le faire avec les trippes avant de le faire avec la tête.
Mathieu Jaton : Ah oui ! Dès l’âge de 18ans, j’ai travaillé pour Claude au Chalet dans le cadre de réception pour des artistes. Ca été le premier virus que le festival m’a insufflé. A partir de ce moment là, dès la fin de mes études à l’école hôtelière, j’ai voulu travailler dans l’évènementiel et encore plus pour le Montreux Jazz Festival qui était le rêve absolu.
Students.ch : Avant d’intégrer l’école hôtelière, aviez-vous aussi cette envie ?
Mathieu Jaton : Oui, parce que j’ai toujours été passionné par l’organisation d’événements. Déjà quand j’avais 12-15ans j’organisais des fêtes. Ce qui m’habite au quotidien c’est le plaisir de faire plaisir. J’aime ça ! Ca m’enrichit et je fais ce métier pour voir les gens être heureux en sortant d’un concert.
Students.ch : Au niveau de l’organisation, comment est-ce que le festival a vécu la disparition de Claude Nobs ? Tout est arrivé soudainement.
Mathieu Jaton : Non seulement c’était soudain, mais c’était très lourd et très émotionnel. Mais, ce qui est revenu assez vite c’est, que dans la douleur de l’absence de Claude, notre force était présente. Claude a toujours dit que, le jour où il partirait, il voulait qu’on fonce. Pour nous, c’était donc naturel de foncer. Il y a eu une synergie dans toute l’équipe du bureau qui était assez incroyable.
Students.ch : Ceci malgré toute la pression médiatique qui vous est tombée dessus ? Tout le monde vous attendait au tournant
Mathieu Jaton : Bien sur. Cette pression était surtout sur moi puisque les médias et les gens en général ont toujours besoin de mettre une figure sur un tel évènement. Surtout quand on avait quelqu’un d’aussi emblématique que Claude. J’ai ressenti cette pression. Mais, en même temps, j’y étais relativement bien préparée. Même si on pensait que la disparition de Claude n’arriverait jamais – il était comme quelqu’un d’immortel pour nous –, j’ai pris le parti pris de le gérer comme Claude l’aurait voulu, c'est-à-dire comme moi je le sens. Il fallait aussi que je reste complètement moi-même. Claude me disait à l’époque qu’il appréciait mon authenticité, ma simplicité dans l’appréhension des choses. On a vécu pleins de situations comme ça les deux. Et finalement, par la simplicité et l’authenticité, on résout tous les problèmes. J’ai toujours voulu rester de cette manière. Et ceci malgré le fait – et je m’en rends compte aujourd’hui – que je suis à la tête d’un des plus grands festivals en terme d’histoire. Mais voilà, quand je rentre à la maison, je suis toujours le même. Claude était aussi comme ça, il est resté lui-même. On est pareil sur ce point les deux, mais dans des tempéraments complètement différent. Mais c’est aussi cette complémentarité qui nous a permis de fonctionner aussi longtemps.
Students.ch : N’avez-vous pas peur de vivre la suite de l’histoire du festival dans l’ombre de Claude Nobs ?
Mathieu Jaton : C’est difficile de répondre à cette question puisqu’on ne sait jamais de quoi sera fait demain. Son âme est là. Ce n’est pas une ombre. Et même si c’était une ombre, elle est positive pour moi. Claude c’est aussi mon mentor donc c’est comme s’il était encore présent quelque part. Il sait aussi que j’ai ma personnalité et que j’aime faire les choses à ma manière même si on a la même perception des choses sur beaucoup de point, c’est pour cela qu’il m’a choisit. C’était réellement rare que Claude et moi ne tombions pas d’accord sur un point. Même dans la folie, dans l’irrationalité ! Dans le bureau, nos collègues nous disaient même qu’on les soulait parfois avec nos excès de folie (rires). On avait une sorte de fraicheur avec quarante ans d’écarte et une naïveté dans la perception des choses. On essaie, on avance. Les changements qu’on a présenté cette année sont l’incarnation de tout ceci. C’était quand-même gonflé de faire un lifting complet. On ne sait pas comment ces changements vont être perçu. Mais c’est aussi ça un festival, il faut changer, bouger, évoluer avec son temps, se remettre en question. On ne peut pas plaire à tout le monde, bien sûr. Mais je pense que lorsqu’on fait les choses par conviction, par passion, ça passe toujours mieux que par procuration.
Students.ch : Montreux c’est principalement du jazz. Mathieu Jaton, c’est quel style musical ?
Mathieu Jaton : Ma réponse va être bateau mais c’est tout. Pour moi, la musique ne se limite pas à un style. Je n’ai pas un style de prédilection. C’est au moment où je sens mes poils qui s’hérissent sur mes doigts que je sais que j’aime un artiste. Ca peut être du hiphop, de la techno, du jazz, de la soul, du rock, du brésil, du cuba, de l’électro pure. Là, si je regarde le programme de cette année, il y a quelques artistes qui m’ont juste créé une émotion incroyable et qui sont aussi variés les uns que les autres. Je n’ai aucuns apriori sur un groupe avant de le voir. C’est l’émotion qu’il me véhicule au moment où je le vois qui compte. Et ca, c’est Mathieu Jaton perso et pas Mathieu Jaton festival. Quand on est directeur d’un festival, on doit avoir une vision large qui s’adresse au public et pas exclusivement à nos goûts personnels. Après, il est clair qu’on a nos petits coups de cœur.
Students.ch : Claude Nobs voyait la programmation du festival comme un cuisinier et aimait rajouter des artistes au dernier moment, créant ainsi une certaine tradition. Est-ce que ceci va perdurer ?
Mathieu Jaton : L’improvisation oui. On a créé les lieu pour. Le jazz club a été créé pour ça. Donc la volonté d’improviser, de donner un espace de jeu aux musiciens après leur concert va rester. C’est l’ADN de Montreux. Par exemple, nous avons créé une programmation autour de Prince qui lui correspond en espérant que la magie se passera. On ne peut rien prévoir. Si un artiste qui joue à la Rock Cave, qui est hallucinant et qu’il a une histoire avec un artiste d’une autre salle, peut-être qu’il ira jouer avec. On ne sait pas.
Students.ch : Quels sont vos coups de cœur sur cette édition ?Mathieu Jaton : Il y en a beaucoup. Au Stravinski, ça reste Prince. C’est un monument qui nous surprend à chaque fois. Il y a aussi le concert en 3D de Kraftwerk. Personne ne s’attendait à ce que le groupe fasse un festival et tout le monde a été surpris. Il y a aussi le projet de Woodkid puisque visuellement et musicalement, c’est une tuerie. C’est pas la musique que j’écoute à la maison, mais sur scène c’est génial !
Au Club, il y a Avishai Cohen. J’adore cette vibe de musique jazz un peu nordiste. Dieter Meier aussi. Il est génial et a un sacré charisme. Je me réjouis de voir Lianne La Havas aussi.
Au Lab, c’est difficile de choisir. Il y a beaucoup de choses que j’aime beaucoup. Je suis curieux de voir Parov Stelar. Rodriguez sera intéressant à voir aussi. IAM aussi ! C’est mon adolescence, c’est mythique ! S’il y a une soirée coup de cœur qui m’envoute à chaque fois, c’est celle où James Blake et Devendra Banhart se produiront. Ce sont deux artistes qui m’envoutent. Particulièrement James Blake.
Students.ch : Est-ce qu’il y a des concerts que vous auriez aimé voir programmé pour cette édition mais qui ne se sont pas fait ?
Mathieu Jaton : Une déception, c’est Alicia Keys. Elle finissait sa tournée le 4 juillet, on avait une date prévue pour le 6 juillet en solo. Puis, ils ont décidé d’arrêter la tournée le 4 juillet et d’annuler toutes les dates prévues après. Malheureusement, ce sont des choses qui arrivent. En plus, Alicia Keys, en acoustique seule au piano, elle est juste incroyable. D’ailleurs, je la préfère en solo. C’est ma grande déception de cette année. Je l’adore. A chaque fois qu’elle revient, c’est génial. Je trouve son dernier album super. Elle a une voix magnifique et c’est une vraie musicienne.
Students.ch : Prince sera là pendant trois soirs. A Tribe Called Quest, mythique groupe de hiphop-jazz qui a fait la première partie de Prince aux USA, sont programmés à la même période à Frauenfeld. Pensez-vous qu’une collaboration est possible ? Mathieu Jaton : C’est une très bonne question. Ce qui serait génial, c’est que ça vienne de Prince lui-même ! On risque de lui glisser un petit mot. Mais rien n’est impossible, c’est l’adage de Montreux ! De plus, pour nous c’est la qualité de la prestation artistique qui prime. Donc si quelque chose comme ceci peut se faire, on va sauter sur l’occasion.
Students.ch : Le hiphop refait son retour à Montreux après une 46ème édition où il était un peu absent. D’où est venue cette volonté d’à nouveau assumer le fait que le Montreux Jazz a toujours laissé une place importante au hiphop ?
Mathieu Jaton : On a eu juste un cas l’année dernière pour les raisons qu’on connaît. Mais le hiphop, comme le reggae, le latino, font parti de l’ADN de Montreux. Le Lab s’inscrit complètement dans cette lignée là. Quand on parle du buzz du moment, le Lab visent tout les styles et surtout la nouvelle scène de ces différents styles. Le hiphop en fait donc naturellement parti. Ecarter le hiphop de cette programmation serait oublier quelque chose d’important. Le Lab se prête à cela.
Students.ch : Le créateur de l’affiche de cette édition, Oscat Oiwa, vit au Japon. Le Montreux Jazz Festival a beaucoup de lien avec ce pays. Est-ce qu’on peut imaginer d’autres développement entre le festival et le Japon ? Mathieu Jaton : Oui et ils sont déjà en route. On a le Montreux Jazz Festival à Tokyo. Le Japon a été malheureusement un peu mis en berne pour les raisons que l’on connaît. On a fait parti des seuls internationaux à continuer à collaborer avec eux suite au tremblement de terre. On a fait le festival à Tokyo deux mois après la catastrophe. Pour nous, c’est un pays de cœur. C’était important de continuer. Ils ont mis moins d’énergie ces derniers temps au niveau de l’export d’artistes, mais j’espère que cela va revenir. Les japonais sont des musiciens extrêmement talentueux. Donc oui, il y aura d’autres développements.
Students.ch : Les changements effectués cette année répondent à certaines attendent du public non assumée, comme le Jazz Club. Il y a aussi le Chalet d’en bas. Pourriez-vous nous en dire deux mots ?Mathieu Jaton : C’est un lieu prosélytique, un lieu de trait d’union et de transition sur l’histoire de la musique sur les 50 dernières années. Le tout au travers de l’ornière du festival et de Claude Nobs. C’est un lieu de convivialité où on va pouvoir découvrir la musique sur toutes ses coutures et toute son histoire. On voit, par exemple, qu’il y a un retour du vinyle de nos jours. Je trouve intéressant de permettre aux jeunes de découvrir le son analogique. Pas pour affirmer que « c’était mieux avant ». Mais plus pour faire un pond avec le passé.
Students.ch : Comme Students.ch est un média qui s’adresse aux jeunes en formation, nous aimerions connaître vos conseils pour les jeunes qui désiraient travailler dans l’industrie musicale ?
Mathieu Jaton : De rester passionné. C’est un peu maso de travailler dans l’industrie musicale. C’est un monde particulier. Il faut avoir envie de travailler dans ce milieu. Si on le fait parce qu’on se dit que ça va être sympa de rencontrer pleins d’artistes, il ne faut pas le faire. C’est une mauvaise raison. Il faut aimer l’organisation, mettre en place des choses, faire rêver les gens. C’est la passion qu’il faut avoir. De plus, il faut aussi avoir la passion initiale du métier dans lequel tu travailles. Mais, il ne faut pas le faire par procuration. Il ne faut pas se dire que l’on va travailler dans un festival parce que c’est cool. Ce n’est pas forcément cool. On a beaucoup de plaisir dans notre métier. Mais, c’est des horaires de taré. C’est comme dans l’hôtellerie. Il faut être prêt à ceci. Dans les quinze dernières années, j’ai vu beaucoup de personnes venir travailler au festival en disant que c’était cool et partir après deux mois parce qu’ils n’en pouvaient plus. Travailler dans un festival, ce n’est pas écouter de la musique toute la journée et rencontrer des artistes. Il y a peu de poste comme ceci dans le festival. Mais c’est comme quand n’importe quel métier, il faut aimer ce qu’on fait et le faire avec les trippes avant de le faire avec la tête.
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